Sanofi condamné pour recours abusif au travail intérimaire
Le verdict est tombé ce 1er mars. Le tribunal correctionnel de Créteil a condamné le géant pharmaceutique pour la mulplication des contrats de mission sur son site de Maisons-Alfort.
Le droit du travail se termine parfois au pénal. Cette condamnation de Sanofi l’illustre. Trois syndicats de la CGT (1) avaient saisi le tribunal par une citation directe (2) fin 2015 pour « déclarer coupable Sanofi pour le recours abusif aux contrats intérimaires », selon leur avocate maître Bettina Ferreira du cabinet JDS, lors de la plaidoirie qui s’était déroulée le 1er février.
Tout a commencé par un procès-verbal de l’inspection du travail dénonçant la multiplicité des contrats de mise à disposition des intérimaires sur le seul site de Maisons-Alfort. Au total: 1.782 contrats de mission ont été répertoriés en 2010, 980 pour les six premiers mois de 2011, 1.853 sur l’ensemble de l’année 2011. Le groupe comptait en 2015 un peu plus de 27.000 salariés en France (stagiaires et intérimaires compris).
« Des intérimaires formés par d’autres intérimaires »
Pour l’avocate de Sanofi, « le recours aux contrats de mission résulte d’un fort taux d’absentéisme » des salariés, a-t-elle expliqué à l’audience. Certes. L’inspecteur du travail, dans son rapport, remarquait quant à lui que « les congés payés et les RTT sont des absences régulières et prévisibles ». A certains moments, l’effectif était composé de 45% d’intérimaires et pouvait aller jusqu’à 89 % sur une ligne de production. « Aujourd’hui, il y a huit contrats précaires pour dix CDI », renchérit l’avocate de la CGT.
« Nous avons à plusieurs reprises alerté l’entreprise pour faire baisser le taux de précaires », a affirmé l’un des membres de la CGT lors de l’audience du 1er février. En vain. En réponse au président qui s’interrogeait sur la présence de nombreux de « contrats de formation », l’avocate de la CGT décrit un système où les intérimaires étaient formés avant la prise de poste, souvent par d’autres intérimaires. Cette formation est, selon elle, « un élément matériel de l’infraction »: « On peut former des gens qu’on va recruter, mais pas comme intérimaires ».
« Sanofi savait qu’il violait la loi »
Pour l’avocate, c’est certain: « Sanofi savait qu’il violait la loi ». Une situation confirmée selon elle par les ressources humaines. « On a besoin de chair humaine pour étiqueter et mettre dans des boîtes. Le recours à des contrats intérimaires alors que l’activité pérenne y faisait obstacle constitue une infraction ».
Le tribunal de Créteil lui a donné raison. Il a condamné ce 1er mars Sanofi à 366 amendes de 300 euros chacune, 3.000 pour recours abusif aux contrats de mission, un euro de dommages et intérêts, 1.500 euros au titre de l’article L 475-1 du code de procédure pénale à chacun des trois syndicats de la CGT et la publication du jugement.
« Nous sommes bien évidemment satisfaits de cette décision, s’est félicitée maître Bettina Ferreira à l’issue du jugement rendu par la 9ème chambre du tribunal correctionnel. Il y avait un parti pris de poursuivre Sanofi sur un terrain pénal car un groupe de cette envergure doit avoir une politique d’emploi responsable. » Preuve aussi que la ténacité paie: dans un premier temps, l’affaire n’avait pas abouti au tribunal de Nanterre, faute d’éléments.
Aucun représentant de Sanofi n’était présent lors du verdict.
(1) CGT du site Maisons-Alfort, CGT Industrie chimique, CGT du comité d’établissement de Maisons-Alfort).
(2) C’est la saisine directe de la juridiction pénale, sans instruction, par laquelle l’auteur supposé de l’infraction est cité à comparaître à l’audience du jugement.
Par Claire Padych
afp.com/ERIC PIERMONT