Les ordonnances Macron ont renvoyé a la négociation de branche la durée maximale de recours a l’intérim, la fixation du délai de carence et le nombre maximal de renouvellements de contrats. Cela fait longtemps que les entreprises d’intérim et utilisatrices avaient « assoupli » la loi a leur manière.
Le 1er décembre 2016, la société de construction Spie Batignolles rejoignait Sanofi et Cordon Electronics dans le
club fermé des entreprises condamnées pour leur recours abusif a l’intérim. Si le tribunal de grande instance lyonnais avait sanctionné le « non-respect du délai de carence » dans le recours a ses intérimaires, elle avait de son côte estimé que le « recours a des intérimaires pour pourvoir des postes permanents » n’était pas assez caractérisé.
Si les procès de ce type sont rares, les infractions au Code du travail dans le recours a l’intérim sont, elles, malheureusement banales …
DANS LA MÊME SOCIÉTÉ DEPUIS SEPT ANS !
Bien que l’intérim n’ait cessé de se développer, il est, en théorie au moins, limité a des situations particulières : un surcroît temporaire d’activité et le remplacement d’un salarie absent. Bien entendu, il ne saurait être question de remplacer des salaries grévistes ! Jusqu’à présent, un salarie ne pouvait être employé en intérim plus de dix-huit mois. Au sein de cette période, son contrat ne pouvait être renouvelé plus de deux fois, et l’entreprise était tenue de respecter un délai de carence entre deux recours a des salariés intérimaires sur le même poste. Depuis l’adoption des ordonnances Macron, la durée maximale, le nombre de renouvellements et le délai de carence sont renvoyés a la négociation de branche.
Les missions a la semaine-voire a la journee- explosent. « Une pratique interdite, totalement banalisée !»
Si, jusqu’à récemment, le Code du travail était clair, le moins qu’on puisse dire est qu’il n’était pas respecté.
« De nombreux salaries que j’ai accompagnés étaient en intérim depuis plusieurs années. L’un d’entre eux était dans la mime société depuis sept ans! » dénonce une défendeuse syndicale CGT. Si la durée maximale d’emploi est
dépassée, le salarie peut demander la requalification de son contrat d’intérim en CDI devant le conseil de prud’hommes. «Celle-ci est facilement obtenue. En revanche, ce qui est plus complique, c’est d’obtenir le paiement des périodes non travaillées. Nous sommes souvent obliges d’aller en départage, voire en appel, mais nous obtenons toujours gain de cause. »
Encore faut-il aller devant les prud’hommes. « Un salarié était depuis plus de deux ans en intérim, il devait continuer jusqu’en juin mais, en décembre, on lui a annonce que son contrat s’arrêtait. Son atelier s’est mis en grève pour empêcher son départ et a obtenu qu’il reste au moins jusqu’à fin janvier. Une procédure pour requalification en CDI était possible en référé, mais il n’a pas voulu … II espère », raconte-t-elle. La durée maximale n’est pas le seul
point ou la loi n’est pas respectée. Depuis plusieurs années, les missions a la semaine – voire a la journée – sans cesse renouvelées explosent.
Pour contourner la loi, les agences d’intérim rédigent des avenants pour prolonger la durée de la mission. « Très souvent, le salarie ne reçoit pas le contrat de travail, mais à la fin de la mission, l’agence lui fait signer en même temps plusieurs avenants ‘ » raconte André Fadda, membre du bureau national de la CGT intérim. « Cette pratique
a beau être interdite, elle s’est totalement banalisée ! » Le BTP, la logistique, la sous-traitance aéroportuaire
sont très touchés, mais ils ne sont pas les seuls. Les missions courtes sont la regle, même quand le travail ne le justifie en rien.
PRISE DE RISQUES
«Un arrêt de tranche (1) dans une centrale – thermique ou nucléaire – dure plusieurs mois, mais les intérimaires
n’ont que des contrats a la semaine ! » s’insurge le syndicaliste. Une manière de garder des travailleurs dociles !
« Une salariée qui avait demandé des gants pour son travail n’a pas vu prolongée sa mission. » La santé des intérimaires soumis a cette extrême précarité est menacée : non seulement ils vivent dans le stress permanent de l’incertitude, mais la pression les conduit a devoir prendre des risques pour leur sécurité. Dans la métallurgie, par
exemple, le taux de fréquence des accidents du travail est deux fois plus important chez les intérimaires que chez les salaries en CDI.
MELANIE MERMOZ – Humanité Dimanche
(l) Periode d’interruption de la production consacrée aux travaux de maintenance.
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