Le boum des CDI intérimaires, ces salariés du troisième type
LP/ OLIVIER ARANDEL
Les personnes concernées par le CDI intérimaire travaillent essentiellement dans de grandes entreprises et
dans l’industrie
L’Observatoire de l’intérim et du recrutement vient de publier le premier bilan de ce nouveau contrat créé en
2014 et qui commence à prendre ses marques.
C’est le petit nouveau du marché du travail. Entre le CDD, le CDI et le contrat d’intérim à la semaine ou au
mois, voilà le CDI-I ( CDI intérimaire ), un contrat qui permet au salarié d’être embauché à durée indéterminée
par son agence d’intérim.
Né il y a quatre ans , ce dispositif concerne aujourd’hui 20 000 salariés en France et prend peu à peu ses
marques dans le paysage du marché de l’emploi. C’est en tout cas la conclusion du premier bilan du CDI-I
qui vient d’être rendu public par l’Observatoire de l’intérim et du recrutement (OIR). D’après cette étude*, le CDI-I « monte en puissance » même si le dispositif est encore « peu connu » et reste « porteur d’une image
de précarité ».
Diminution du revenu
Qui sont les travailleurs concernés ? Ce sont principalement des hommes (78 % des personnes sondées),
des salariés expérimentés, âgés de 30 à 50 ans, et qui ont déjà fait leurs preuves dans l’intérim lors de
contrats courts. Ils travaillent essentiellement dans des entreprises de grande taille, surtout dans le secteur
de l’industrie, comme caristes, préparateurs de commande ou manutentionnaires.
Pour ces derniers, le CDI-I, qui permet au salarié de toucher un revenu mensuel versé par son agence
d’intérim même quand les entreprises qui l’emploient n’ont plus besoin de faire appel à lui, est un « tremplin
professionnel » et apporte un équilibre dans la vie privée. « 50 % des personnes en CDI-I considèrent que
prévoir leurs vacances ou accéder au crédit est plus facile qu’avant », note l’étude. Il permet aussi, dans
certains cas, de déboucher sur un CDI traditionnel. Mais le dispositif comporte quelques ombres. Dont celle,
notable, de la rémunération . « Pour les intérimaires, la diminution du revenu constitue une préoccupation
majeure », notent justement les auteurs de l’étude.
* Enquête menée par le cabinet Amnyos auprès de 1 500 salariés ayant signé un CDI intérimaire.
« Je n’ai pas les mêmes avantages que les autres »
Céline*, 40 ans, en CDI-I depuis dix-huit mois
Voilà des années que Céline travaillait comme employée polyvalente dans cette grande entreprise de
cosmétique située à Brest (Finistère). D’abord comme intérimaire, au mois, à la semaine. Un beau jour, en
2015, ses employeurs lui font savoir qu’ils veulent l’intégrer à l’entreprise. « Ils ont d’abord évoqué la possibilité
de me faire signer un CDI avant de me proposer un CDI intérimaire », raconte-t-elle. A l’époque, cette mère
de famille découvre ce contrat, qu’elle accepte de bon coeur. « J’avais juste envie de travailler de manière
stable dans un seul et même endroit, et ce travail me plaisait », confie la salariée, qui signe ce contrat avec
l’agence Manpower. Après dix-huit mois d’expérience, elle se déclare déçue.
Certes, Céline peut désormais prévoir des vacances avec son petit garçon. « Ce contrat apporte de la stabilité», reconnaît-elle. Pour le reste, le bilan est en demi-teinte. En raison de son salaire, d’abord. « Je suis payée
1 100 euros net contre 1 200 ou 1 300 auparavant. Je gagne moins que lorsque j’étais embauchée à la semaine
ou au mois car je ne touche plus d’indemnités de fin de contrat. Par ailleurs, je n’ai pas la même valeur ni les
mêmes avantages que les autres salariés, ceux qui sont en CDI, alors que je fournis le même travail qu’eux», précise Céline.
Dans son entreprise qui fabrique des « crèmes et des baumes à lèvres », dit-elle, cinquante personnes sont
embauchées en CDI et six en CDI-I. Parmi elles, un homme et cinq femmes. Et son ressenti n’est pas très
flatteur : « Nous sommes des salariés jetables et moins considérés que les autres. »
* Le prénom a été changé.
Journaliste : Bérangère Lepetit